Six questions sur l’extradition du Français Sébastien Raoult, soupçonné par les Etats-Unis de cybercriminalité

La sentence se rapproche pour Sébastien Raoult.

La Cour de cassation marocaine a rendu, lundi 8 août, un « avis favorable » concernant l’extradition du jeune Français de 21 ans incarcéré depuis deux mois dans le pays, à la demande des autorités américaines.

Selon L’Obs, qui a révélé l’affaire le 28 juillet (article payant), le FBI (Federal Bureau of Investigation américain) soupçonne le jeune homme d’être membre d’un groupe de hackers accusé d’être « Cybercriminels prolifiques » par les autorités américaines. S’il est extradé vers les États-Unis, il encourt une peine de plus de 110 ans de prison.

1. Qu’est-il arrivé à Sébastien Raoult ?

Le 31 mai, Sébastien Raoult a été arrêté à l’aéroport marocain de Rabat-Salé. Ce jour-là, ce sont ses amis, qui l’attendaient à l’arrivée du vol à l’aéroport de Bruxelles, qui ont informé son père de sa disparition, ne le voyant pas descendre de l’avion, rapporte L’Obs.

Aujourd’hui, cela fait plus de deux mois que le jeune Français est incarcéré dans une prison près de Rabat.

Paul Raoult raconte que son fils était parti au Maroc pour souffler. « Il était dans une phase de rupture avec les études. Il voulait vivre, découvrir le monde et voyager et avait l’impression de perdre son temps à l’école » a-t-il expliqué à l’AFP.

Avant de partir pour le Maroc, le jeune Français a vécu à Epinal (Vosges) avec ses parents. Il était en deuxième année d’études informatiques à Nancy (Meurthe-et-Moselle) avant d’arrêter sa formation en décembre dernier. Passionné par ce domaine depuis l’enfance, il souhaitait travailler dans le domaine de la sécurité informatique, selon son père, interviewé par Le Parisien (article payant)29 juillet.

2. De quoi est-il soupçonné ?

Selon la police marocaine, le jeune Français faisait l’objet d’une notice rouge (demande adressée aux autorités du monde entier et impliquant l’arrestation immédiate d’un individu en attente d’extradition) émise par Interpol à la demande de la justice américaine. , dans une affaire de cyber piratage contre des entreprises, notamment américaines.

Le FBI soupçonne Sébastien Raoult de faire partie du groupe « ShinyHunters », dont le nom a été choisi en référence à l’univers Pokémon. Les autorités américaines de l’Etat de Washington, dans l’ouest du pays, demandent son extradition pour des faits de « complot en vue de commettre une fraude et des abus électroniques », « fraude électronique » et « grave usurpation d’identité » selon l’acte d’accusation américain transmis au Maroc et consulté par l’AFP.

Le texte rapporte qu’en mars dernier, Github, l’une des entreprises qui aurait été visée par ces cyberattaques, aurait fourni des informations au FBI sur des adresses IP attribuées à Sébastien Raoult en France et au Maroc. Le jeune Français risque jusqu’à 116 ans de prison aux Etats-Unis pour les faits qui lui sont imputés, selon son avocat, Philippe Ohayon.

3. De quel groupe parle-t-on ?

Le groupe de hackers « ShinyHunters », apparu au printemps 2020, comme le rappelle l’hebdomadaire, avait fait sensation en vendant près de 200 millions de données volées sur le darknet (partie du réseau internet accessible par un logiciel anonymisant les données des utilisateurs) pour près de 200 000 dollars (environ 196 000 euros).

Pour cela, les pirates ont fait irruption dans les systèmes informatiques de plusieurs entreprises et ont également exigé des rançons de leurs cibles. Plusieurs grands groupes américains comme Microsoft, la marque de vêtements Bonobo ou AT&T, le numéro deux des télécoms américains, sont concernés.

Dans cette affaire, quatre autres Français soupçonnés d’appartenir au même groupe ont été interrogés par les autorités françaises, selon les informations recueillies par l’hebdomadaire. Une demande d’entraide pénale a été adressée par les Etats-Unis à la France à l’été 2021 à propos des « ShinyHunters », a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.

4. Qu’a décidé le Maroc, où est détenu le jeune Français ?

La Cour de cassation du Maroc a prononcé lundi une « avis favorable » à l’extradition vers les Etats-Unis de Sébastien Raoult, selon un document officiel consulté par franceinfo, confirmant des propos de l’AFP.

Pour justifier sa décision rendue mercredi 20 juillet, la plus haute juridiction du pays explique que la demande d’extradition a été présentée par les États-Unis « dans le délai prévu par la loi ». Elle précise également que le « crimes » pour lequel il est réclamé par les Américains « ont leurs équivalents dans le Code pénal marocain ». « La demande d’extradition remplit toutes les conditions requises par la loi », confirme la décision.

Cette « avis favorable » n’est pas une décision définitive. En ce sens, la justice marocaine n’a pas, pour l’instant, « pas ordonné » l’extradition du jeune Français. L’extradition elle-même ne peut être décidée « par le Premier ministre sur proposition d’une commission réunissant également les ministres des Affaires étrangères et de la Justice »a expliqué à l’AFP une source proche du dossier.

5. Que dit son entourage ?

Depuis le début de l’affaire, l’entourage de Sébastien Raoult clame l’innocence du jeune Français. Interviewé par France 3 fin juillet. Paul Raoult s’est dit convaincu de l’innocence de son fils. « Je ne le vois pas du tout faire ça », a t il dit. Selon lui, le jeune homme nie les faits : « Il (…) prétend que ses comptes ont été utilisés à son insu ».

Le père de Sébastien Raoult, Paul Raoult, lors d'une conférence de presse à Paris, le 2 août 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)

 Le père du suspect a a adressé vendredi une lettre ouverte au président Emmanuel Macron afin qu’il puisse lui venir en aide, avant de se tourner vers une autre lettre à Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. Cette lettre a été publiée sur son compte Facebook samedi. Il demande au garde des sceaux l’ouverture d’une enquête de l’inspection générale de la justice.

Interrogé mardi sur RTL, Paul Raoult a de nouveau fait part de son désarroi : « Nous sommes dans un déni de justice de la France qui abandonne un de ses ressortissants. « 

6. Que peut faire l’Etat français dans cette situation ?

Interrogé le 3 août sur BFMTV, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a affirmé que la justice française « n’avait pas la possibilité, à ce stade, d’intervenir ». Pour l’avocat Dilbadi Gasimov, contacté par franceinfo, l’Etat français ne peut pas demander aux autorités marocaines que le ressortissant français leur soit remis, « sauf si une procédure judiciaire est en cours en France, mais cela ne semble pas être le cas ».

En tant que tel, L’avocat de Sébastien Raoult a réagi auprès de l’AFP lorsque la justice marocaine a rendu son avis, réitérant sa demande d’ouverture d’une information judiciaire en France, assortie d’un mandat d’arrêt français pour obtenir l’extradition de son client vers la France.

A l’heure actuelle, la France pourrait « à la limite intervenir par l’intermédiaire de ses diplomates pour soutenir le jeune détenu sur place explique Dilbaldi Gasimov. Mais il ne peut ni influencer ni avoir de poids sur la décision finale d’extradition. Pour sa part, lundi sur LCI, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, a dit comprendre « évidemment l’inquiétude de son père » et « tout faire (…) pour lui assurer toute la protection consulaire que nous pouvons ». Sans se prononcer sur la possibilité de l’extrader vers la France.


20 novembre 2024 4h08

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